Construction, hêtre (1943). © DR
1941 Jusqu'en avril. Séjour à Mont-Louis. Isabelle Waldberg reçoit les lettres de Patrick Waldberg, des amis en exil, et de ceux qui se soucient de son sort, comme Kahnweiler, Louise et Michel Leiris. L'artiste ressent une grande solitude, accentuée encore par le départ des Masson pour New York le 31 mars.
Mai. S'installe à Tocane-Saint-Apre (Dordogne), à l'hôtel Reyssie.
20 juillet. Part pour Marseille avec son fils. Ne peut rejoindre Patrick, car de nouveaux règlements pour les visas sont en vigueur. Songe un moment à s'installer à Cagnes-sur-Mer, auprès de Sylvia Bataille et Jacques Lacan.
30 juillet. Retour à Tocane-Saint-Apre. Ne peut séjourner comme elle le prévoyait à Lyon ou Marseille car elle n'a pas obtenu les permis de séjours exigés par l'administration. La situation se détériorant, Isabelle Waldberg demande un visa aller-retour en Suisse.
13 septembre. Arrivée chez sa sœur Hedwige Monnier qui habite à Gümlingen, dans la périphérie ouest de Berne (34, Alpenstrasse).
Décembre. Isabelle et Michel Waldberg s'installe dans la maison familiale des Farner à Wilen.

1942 Pendant la première moitié de l'année, Isabelle Waldberg séjourne chez ses parents. Reprend la sculpture en plâtre direct et réalise quelques œuvres représentant des nus de femme (il n'en subsiste qu'une).
Début mars. Mauvaise chute dans des escaliers dont elle gardera des séquelles longtemps après.
Début juillet. Isabelle Waldberg et son fils quitte Wilen pour rejoindre Lisbonne via Wintherthur, Genève, Madrid. Visite du Prado.
6 juillet. Arrivée à New York. Mariage avec Patrick Waldberg à Newark dans l'Etat du New Jersey.
Installation de la famille dans un appartement comprenant une grande pièce qui sert d'atelier. L'en droit est lumineux et très bien placé (18 East 57th Street, New York).
Septembre. Patrick Waldberg quitte New York pour Londres, où il est en mission pour l'O.W.I. (Office of War Information). Il est tenu de garder le silence sur son activité.
Automne. Isabelle Waldberg voit l'exposition First Papers of Surrealism (14 octobre-7 novembre) organisée par André Breton et Marcel Duchamp au 451 Madison Avenue. Elle reprend ses activités de sculpteur.
Décembre. Réalise des portraits, des nus de grande et moyenne dimensions et une œuvre en plâtre représentant Minotaure.

1943 S'agrège tout naturellement à la communauté des intellectuels en exil, parmi laquelle, il y a beaucoup d'amis de Patrick Waldberg. Parmi ceux-ci André Breton, Georges Duthuit, Claude Lévi-Strauss, Nina et Robert Lebel.
Février. Premiers essais de sculptures abstraites encouragées par André Breton et Robert Lebel qui sont seuls à les connaître.
Réunions et soirées avec l'équipe de VVV en avril pour fêter la parution en mars de l'Almanac for 1943 (nos 2-3) ; la couverture est réalisée par Marcel Duchamp.
Mai. Réminiscence du Palais à quatre heures du matin (vu dans l'atelier de Giacometti sept ans plus tôt) qui influence, alors, sa production d'objets réalisés en bois, verre et ficelle.
Juillet-août. Abandon définitif des compositions figuratives en plâtre. A son tour Matta admire les objets faits de baguettes de bois et de ficelle qu'Isabelle Waldberg nomme constructions.
Voyage avec les Lebel au nord de Boston en Nouvelle Angleterre. Ils visitent les musées de Boston, Harvard et Salem. Isabelle Waldberg remarque les masques et les sculptures de la Nouvelle-Irlande. Au musée ethnologique de Salem, l'artiste découvre les sticks charts, cartes maritimes formées de baguettes droites et incurvées qui signalaient aux navigateurs des îles Marshall les passages à emprunter et les courants à éviter. Les atolls étaient indiqués grâce à des coquillages. Outre leur intérêt ethnologique, ces objets bidimensionnels plaqués sur le mur lui rappellent ses propres travaux récents. "Il faut avoir eu une illumination ou vraiment chercher quelque chose, pour trouver au travers de ces cartes ce que j'en ai reçu."
Séjour à Coney Island et Staten Island.
Septembre. A son retour à New York, Isabelle Waldberg se procure des tiges manufacturées de hêtre dans un petit bazar hardware où elle trouve enfin le matériau idéal. Ces baguettes sont appelées "dowels". Réalisation d'un bas-relief. Mise au point à cette occasion, d'un procédé de cuisson des tiges dans l'eau bouillante. Elles sont après mises en forme avant d'être assujetties à des cales. L'artiste réalise des constructions murales et des suspensions marquées par un style géométrisant. Robert Lebel, inspiré par ces œuvres, compose un poème, Masque à lame, qui suit les jours de la semaine et le rythme de sept constructions d'Isabelle Waldberg.
Fréquente avec Robert Lebel, Georges Duthuit, et André Breton le petit antiquaire découvert par Max Ernst (auquel Claude Lévi-Strauss fait aussi référence), Julius Carlebach, 943, 3d Avenue : "Nous nous sommes jetés dans l'atmosphère poétique des masques eskimos, nous respirons l'Alaska et nous rêvons tlingit et nous nous aimons dans les totempoles (mâts totémiques). Carlebach de la 3e est devenu la rencontre de nos désirs."
Photographies pour le livre avec Robert Lebel, réalisées par Bramer, réfugié allemand.
Projet d'une exposition suisse, organisée par Robert Lebel, qui réunirait Hodler, Klee, Seligmann, Giacometti et Waldberg. Présentation de deux objets chez Kébélian.
Visite du Musée d'ethnographie de Philadelphie.
Novembre. André Breton demande à Isabelle Waldberg s'il peut publier dans VVV, revue dirigée par David Hare et Lionel Abel, la lettre de Patrick Waldberg remettant en cause leur expérience avec Georges Bataille. L'artiste écrit alors à son mari : "Je ferai enlever bien entendu tous les noms propres, sauf ceux de Bataille, Masson, etc. dont l'activité a été publique et toutes les allusions aux détails des rites". Yvan Goll accepte de publier Masque à lame aux Editions Hémisphères.
Fin de l'année. Après avoir réalisé quinze objets, le sculpteur entreprend de grandes constructions (1,30 m), sur socles en bois. Rupture de Masson avec le groupe surréaliste. La parution de Masque à lame est retardée, car les auteurs ne sont pas satisfaits de l'impression.

1944 Préparation du n° 4 de VVV où figure une photographie d'Isabelle Waldberg parmi ses constructions. Max Ernst s'inquiète du caractère abstrait et non surréaliste de ses objets. Pourtant Breton invite Isabelle Waldberg à participer à une exposition du groupe dans des vitrines de la 5e avenue. "Je fais désormais partie sans l'avoir demandé du groupe surréaliste" (24 janvier 1944. Lettre à Patrick Waldberg). 19 février. Ouverture de l'exposition Color and Space in Modern Art since 1900 organisée par Robert Lebel à la Galerie Mortimer Brandt (36 peintures et 10 sculptures et constructions réparties dans 3 salles). La première est consacrée à la famille Duchamp : Raymond Duchamp-Villon, Jacques Villon et Marcel Duchamp – ce dernier présente Les joueurs d’échecs, 1910 ; Le passage de la vierge à la mariée, 1912 (prêt de Walter Pach) ; et une Boîte-en-valise. Chaque salle est consacrée à un sculpteur : Duchamp-Villon (avec Baudelaire, Les Amants, Le Chat, Le Cheval), Calder (Cage within a cage, Morning star, The red wand), et Isabelle Waldberg, qui présente de grandes cosntructions indépendantes sur socle (1,50 et 2 mètres), datées de 1943 : La Prise de la Bastille, L’Antenne totémique et Mask. Peggy Guggenheim incite un architecte travaillant pour le magazine Look à lui commander une œuvre, avant d’acquérir pour sa collection personnelle L’Antenne totémique.
26 février. Masque à Lame, achevé d’imprimer, est vendu chez Brentano’s et dans toutes les librairies françaises de New York.
21 mars. Sortie de VVV (bien que le numéro soit daté de février). Les lettres de Patrick Waldberg, Robert Lebel et Georges Duthuit sont réunies sous le titre : "Vers un nouveau mythe ? Prémonitions et défiances", précédées d’une illustration de Matta (qui réalisa aussi la couverture) et de la photographie d’Isabelle Waldberg placée au cœur de la communication.
Isabelle Waldberg suit les cours de Claude Lévi-Strauss sur la Colombie Britannique, avec les Lebel et Matta. Recherches à la Bibliothèque de l’Université Columbia sur l’art des Eskimos, Hopis…
11 avril. First Exhibition in America of Twenty Paintings, exposition collective organisée par la Galerie Art of this Century pour laquelle Peggy Guggenheim a commandé à Isabelle Waldberg une grande construction. Parmi les travaux de Braque, Dali, Max Ernst, Kandinsky, Léger, Masson, Matta, Miró, Motherwell, Picasso, Pollock, Rothko et Tanguy, Isabelle Waldberg présente Intervalles des fusées, objets de deux mètres posé sur socle. Fait la connaissance de Tanguy chez André Breton.
De mai à juin. The Spring Salon for Young Artists se tient à la Galerie Art of this Century. L’admission au Salon est décidée par un jury composé de Marcel Duchamp, Jacqueline Lamba, David Hare et J.J. Sweeney. Après une délibération confuse, Isabelle Waldberg choisit de présenter une de ses premières constructions appelée Araignée.
Juillet. Revient seule visiter les Musées de Boston, Harvard et Salem dont les collections avaient été le point de départ de son "renouveau d’intérêt pour l’ethnographie". Septembre. Peggy Guggenheim propose à Isabelle Waldberg une exposition personnelle. L’artiste se dégage du style géométrique en inventant un nouveau procédé de pliage des "dowels". Elle étire le matériau par des pressions afin de créer les formes idéales en évitant de sectionner les tiges en segments. Les constructions deviennent plus souples animées par un mouvement continu engendré par cette technique gestuelle.
Automne. Après avoir connu un début d’année troublé par quelques conflits de personnes, le groupe surréaliste se rassemble de nouveau autour d’André Breton. Isabelle Waldberg est conviée par l’auteur d’Arcane 17 à la lecture, en petit comité, de son ouvrage.
11 décembre. Vernissage de la première exposition personnelle d’Isabelle Waldberg à la Galerie Art of this Century. L’artiste a demandé à Rudolph Ray – peintre ami de Marcel Duchamp – de présenter avec elle quelques toiles. Parmi les nouvelles constructions on remarque : Land’s End, Portrait of the Comic Bard, Arawak Cavalier, The Screwdriver et l’Instrument de musique pour André Breton. Inspiré d’une citation extraite de Poisson soluble, cet objet a été conçu durant l’été 1944 et sera offert à Breton qui l’acceptera "avec un empressement marqué". Outre les sculptures reproduites dans Masque à lame, Isabelle Waldberg présente Palais stratagème, dont le titre rend hommage à Giacometti.

1945 6 janvier. Fin de l’exposition. Plusieurs articles ont paru dans la presse américaine saluant l’exposition Isabelle Waldberg : dans Art Digest, The New York Times, Art News, ainsi que dans France-Amérique (en langue française).
13 mars. European Artists in America, exposition organisée au Whitney Museum qui rassemble les œuvres des artistes européens aux Etats-Unis depuis 1938. La manifestation est dominée par les surréalistes. Isabelle Waldberg n’apparaît pas au catalogue mais présente Land’s End dans une salle réservée aux dessins. Pourtant son œuvre n’échappe pas au critique Léon Kochnitzky qui conclut sur elle sa chronique dans le n° 2 de View.
Fin mars. Vitrine à l’occasion de la sortie chez Brentano’s d’Arcane 17. Marcel Duchamp, Isabelle Waldberg, Enrico Donati, Matta et André Breton y participent. Le sculpteur réalise un encrier-méduse en plâtre accompagné d’une plume ; Marcel Duchamp s’occupe de l’installation de la vitrine et présente un mannequin.
9 novembre. Nouvelle vitrine en l’honneur de la seconde édition augmentée du Surréalisme et la Peinture d’André Breton chez Brentano’s. Marcel Duchamp place la construction Toujours là bel aqueduc, créée par Isabelle Waldberg, en évidence au centre de la vitrine.
16-17 novembre. Isabelle Waldberg et son fils quittent New York. A Boston ils s’embarquent à bord d’un bateau faisant route vers Le Havre. L’artiste, depuis quelque temps déjà, préparait son retour en France et avait fait construire des boîtes afin de transporter ses constructions.
Arrivée à Paris, elle est provisoirement hébergée par des amis. S’installe ensuite rue Caulaincourt. Fréquente le Café de Flore où elle retrouve ses amis d’avant-guerre : Bataille, Giacometti, Chavy, Chenon, Hessel, Wahl, Fraenkel, Louise et Michel Leiris.

1946 Mi-janvier. Les anciens d’Acéphale se réunissent en vue de créer une revue ; Bataille – qui réside à Vézelay – fait quelques apparitions à Paris. Isabelle Waldberg a repris son activité et achève trois constructions. Demande à Patrick Waldberg de lui envoyer de New York des tiges de hêtre. L’artiste partage son temps entre son atelier et la et la préparation de la revue Da Costa. Visite Brancusi qui lui montre ses sculptures. Installation à l’hôtel Libéria, rue de la Grande-Chaumière.
Décembre. Séances de lecture, à l’hôtel Libéria, des articles conçus pour la revue.

1947 Janvier. Marcel Duchamp quitte Paris pour New York, laissant à Isabelle Waldberg son atelier, 11 rue Larrey. Patrick Waldberg séjourne à Sedona (Arizona) chez Max Ernst. A Paris, le comité Da Costa soumet au vote les textes dans une ambiance parfois survoltée.
18 février. Exposition particulière, Galerie Jeanne Bucher, 9 ter bld du Montparnasse. Cette manifestation ne peut être détachée de l’expérience en cours : Da Costa. En effet, Isabelle Waldberg et Robert Lebel veulent traduire en actes la provocation vive et l’esprit libre contenus dans leurs écrits. Paraphernalie, au titre savant, réunit quatorze constructions de la période américaine baptisées dans le même esprit virulent et moqueur. Robert Lebel pousse jusqu’à l’absurde sa préface "Préallégations", en lui gardant une apparence classique. Il signe sous le nom de Désiré Nisard, de l’Académie Française. Au recto de cette page, des "Témoignages" sont livrés sous des pseudonymes tels que Don Evaristo Perez De Castro y Colomera, Saint-John Perse, Vicaire général, Rose P. Connolly, Washington D.C.

1948-1951 Transposition en fer d’un certain nombre de constructions en bois ; nouvelles constructions directement réalisées en fer. Ces dernières se singularisent par des structures plus abstraites, se rapprochant des travaux de l’Art concret. C’est ainsi que Max Bill demandera à l’artiste d’exposer avec le groupe Allianz au Kunsthaus de Zürich.
En 1949, pour le Premier Salon de la Jeune Sculpture Isabelle Waldberg choisira néanmoins de présenter deux grandes constructions en bois : Finisterre (2,50 mètres) et Larmier de style (1,50 mètre). Ce n’est qu’en 1950, pour le Ve Salon de Mai, que l’artiste expose, avec Sculpturanienne, sa nouvelle production. Enfin, au IIe Salon de la Jeune Sculpture, un mois plus tard, Monument disponible confirme ce passage au fer. Pour accomplir les soudures de ces objets, Isabelle Waldberg entre en contact avec Robert Jacobsen et Shinkichi Tajiri, qui s’orientent dans la même voie. Les trois sculpteurs se retrouveront pour réaliser les finitions, s’échangeant leur savoir-faire.

1952 7 mars. Exposition particulière Galerie Henriette Niepce. L’artiste invite son ami Jean-Paul Riopelle à présenter des toiles avec elle. Robert Lebel écrit une préface d’humeur concernant la scène artistique, sous le titre"Essuie-Glace". Outre les constructions en fer, des gouaches figurent aux cimaises.
Juin-juillet. Pour l’exposition Peinture surréaliste en Europe, Isabelle Waldberg – seul sculpteur invité – propose cinq objets en fer : Le Point de mire, Borne maritime, Elle l’écartèle, Mouvement au Nord, et Menada (reproduite au catalogue). A cette occasion, Max Clarac-Sérou, alors rédacteur pour la France de la revue florentine Numero arte e letteratura, publie un article important de Patrick Waldberg sur cette manifestation. La Galerie Nina Dausset est devenu le lieu de rendez-vous des amis de New York, comme les Waldberg, les Lebel, Georges Duthuit, des artistes surréalistes, mais aussi Max Clarac-Sérou qui reprendra la galerie en 1955.
Octobre. Isabelle Waldberg est chargée par Nina Dausset d’organiser avec elle de nouvelles expositions. Ainsi la première est consacrée aux Fauves, puis aux maîtres du dessin, aux peintres naïfs et à l’art brut, à Gustave Moreau
Décembre. Ecrit dans les colonnes de Numero un texte critique sur le Salon des Surindépendants.

1953-1954 Continue son activité Galerie Nina Dausset. Se sépare de Patrick Waldberg. Publication dans la revue Numero, d’un article sur l’"Essor de la sculpture anglaise". Isabelle Waldberg se réfère à la Biennale de Venise et à l’exposition de la Galerie de France pour écrire une étude pertinente sur Moore, Butler, Armitage, Chadwick, Turnbull, Adams, Paolozzi, Meadows et Clarke. Le texte est soutenu par des illustrations d’œuvres récentes.
Décembre. Isabelle Waldberg expose à la demande de Suzanne de Coninck ses constructions en fer, parmi quinze sculpteurs, Galerie Verneuil.

1955 Juillet. Participe à l’Exposition internationale de la Sculpture en fer : Eisenplastik qui se tient au Kunsthalle de Berne. Deux constructions sur socle sont présentées par A. Rüdlinger au milieu d’artistes tels que Calder, Chillida, Jacobsen, Krickle, Lardera, Schœffer, Tinguely, Uhlmann, Chadwick, Clarke et Thornton. Dans le même temps s’ouvre le Salon Comparaisons où l’artiste est invitée pour la première fois.

Repères biographiques, texte extrait d'"Appareil critique", de Marie Voisin.
Le détail des parutions dans Monographies et ouvrages généraux.
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– biographie de 1941 à 1955 –